Témoignage – Tatie d’Erwan

26 Mai, 2020 | Témoignages

La naissance d’Erwan a été une immense joie pour moi. Tata pour la première fois, très proche de ma sœur, j’ai ressenti pour mon neveu un immense amour et une grande fierté de l’avoir dans ma vie.
 
J’étais au travail quand j’ai reçu un message de ma sœur disant qu’Erwan allait très mal. Ce jour-là elle l’a emmené aux urgences et s’en sont suivis un tas d’examens.
J’étais chez moi, assise sur mon lit. Ma sœur m’appelle pour me donner des nouvelles : les mots Syndrome du Bébé Secoué sont prononcés pour la première fois et elle m’annonce que Erwan va se faire opérer dans la nuit, d’une intervention qui va lui sauver la vie in extrémis.
Le lendemain, après avoir beaucoup pleuré et peu dormi, je vais travailler.
Ma sœur m’appelle pour me dire de venir au plus vite, car à cause de la suspicion de maltraitance mon neveu risque d’être placé et qu’on ne sait pas quand nous pourrons le revoir. J’explique la situation à mon responsable qui accepte de me laisser partir quelques jours.
Je travaille à Paris et ma famille est en Normandie. Je prends le train, rejoins ma famille direction l’hôpital. Je rentre dans cette chambre d’hôpital avec cette énorme peur de m’effondrer en le voyant. Le lit est tout petit, et je vois Erwan, réveillé, conscient, attaché à un tas d’appareils médicaux, qui me regarde droit dans les yeux. Je lui dis quelques mots, il a l’air inexpressif mais son regard en dit long pour un bébé de 6 mois.
Mon conjoint vivant à Lyon nous rejoint au plus vite, nous passons tous ensemble plusieurs jours à l’hôpital. Erwan est sauf mais il va être placé en pouponnière pour une durée indéterminée. Il y restera finalement 2 semaines.
 
Il était en garde chez une assistante maternelle à plein temps depuis une semaine. Nous sommes tous suspectés de maltraitance et nous serons tous interrogés par la police.
Nous vivons cette situation improbable de devoir nous justifier sur nos gestes envers lui, sur la relation de ses parents. Je pensais que ce genre de choses n’arrivait qu’aux autres mais bien sûr je me trompais.
Notre vie a été mise sur pause, les projets personnels ont été repoussés, un PACS, un déménagement, tout a tourné autour d’Erwan les mois qui ont suivi. Cela nous a beaucoup affecté, affecté nos relations avec les autres et profondément soudé notre famille.
Aujourd’hui, après presque 3 ans, mon neveu va bien. Il a et aura toujours des séquelles de ce qui lui est arrivé.
Je suis une Tata copine pour lui et c’est un enfant extraordinaire que j’aime plus que tout. On finit par arrêter d’y penser quotidiennement en ne profitant que des bons moments, mais la réalité frappe quand il faut refaire des suivis médicaux, découvrir que peut-être de nouvelles séquelles vont apparaître.
 
J’ai beaucoup raconté notre histoire à mes amis, mes collègues, sensibilisé des personnes qui ne connaissent pas le SBS. Également avec ma belle-mère qui est assistante maternelle et qui inévitablement est très touchée par ce qui est arrivé à Erwan.
Malgré tout, ce drame est arrivé une seconde fois dans mon entourage.
L’enfant d’un ami de mon conjoint. Dans des conditions très similaires à celles de Erwan. Par chance, le petit va bien aujourd’hui, mais il y a encore un bébé et une famille de plus touchés par le SBS, avec un avenir incertain.
 
J’ai très peur de devenir mère à mon tour et de devoir laisser mon enfant à quelqu’un en lui accordant toute ma confiance. Assistante maternelle ? Crèche ? Comment être sûr que son enfant est en sécurité sans devenir un parent complètement paranoïaque ?
Aujourd’hui j’ai des amies qui sont enceintes ou qui essaient de l’être, des collègues qui ont des bébés en bas âge chez une assistante maternelle, elles connaissent l’histoire de Erwan, elles sont sensibilisées, mais chaque fois qu’on aborde le sujet de la garde je ne peux m’empêcher d’en reparler, d’avoir peur pour ces enfants qui ne sont pas les miens et peur pour ces amies à qui je souhaite plus que tout que ce drame n’arrive jamais.
 
 
Déborah, tatie d’Erwan