Témoignage – Anaé

28 Août, 2022 | Témoignages

Ce qu’il ne faut jamais oublier, c’est que dans les affaires de bébés secoués, il n’y a pas qu’une seule victime, mais bien plusieurs victimes. Ce petit être sans défense qui a été maltraité et tous ses proches subissent à vie cet acte de maltraitance.
 
Je voulais aujourd’hui témoigner sur « l’envers du décor » des victimes dont on parle trop peu.
 
Je suis maman d’une petite victime qui se bat depuis presque 8 ans maintenant et qui a développé des troubles du comportement, troubles d’apprentissages et de l’attention suite aux secousses qui lui ont été infligées.
J’ai reçu dernièrement l’offre du fonds de garantie des victimes me concernant en tant que maman de victime et on me propose une offre d’indemnité ridicule quant à tout ce que je subis depuis ce 9 juillet 2014.
 
Comme le souligne mon avocate ils ont divisé par 4 la somme qu’elle avait sollicitée…. 😵
Si ce n’est pas rire au nez des victimes… Aujourd’hui je me sens plus qu’humiliée 🥲
 
Après le drame, j’ai été en arrêt de travail pendant 6 longs mois, puis repris mon travail à 100% car j’ai toujours été une femme active et j’avais envie de sortir de ce traumatisme et retrouver une vie sociale.
 
Ma deuxième princesse est entrée dans notre vie assez rapidement car notre famille avait besoin d’avancer.
Un vrai rayon de soleil et un petit clown qui m’a aidé à rendre mon quotidien meilleur.
Mais ces quelques mois de répit et l’espoir d’avoir une vie la plus normale possible a été de courte durée.
 
Anaé, ma fille victime du SBS, a fait son entrée à l’école avant ses 3 ans (puisqu’elle est du 20 décembre, un beau cadeau de Noël) et ses vraies premières séquelles apparaissaient avec un quotidien qui se résumait à des appels à répétitions de la directrice de l’école pour que je vienne chercher ma fille en crise et des rendez-vous médicaux qui s’intensifiaient.
J’ai jonglé du mieux que j’ai pu entre le travail-l’école-l’hopital, ma petite deuxième et la maison.
Tout ce quotidien lourd a été une nouvelle grosse claque à gérer, et accepter que mon enfant ne serait plus jamais le même enfant que j’avais mis au monde.
 
À cette époque, j’étais assistante commerciale et c’était un travail qui m’épanouissait mais j’ai dû être contrainte de réduire mon activité professionnelle (69%) plus d’un an après pour subvenir aux besoins d’accompagnement de ma puce.
Non pas par choix, mais parce que j’ai géré toute seule tous ces rendez-vous médicaux, quand je travaillais encore à 100% et car Anaé ne pouvait plus être scolarisée à temps plein.
Malgré que mon enfant soit reconnue handicapée par la MDPH et qu’une AESH était à ses côtés, l’école ne voulait plus d’elle 😭
 
Je me suis aussi battue contre tout ce système à l’époque et ai fini par changer ma puce d’école car je voulais qu’elle soit acceptée comme tous les autres enfants de son âge. Il y a encore beaucoup de travail à faire de ce côté là pour que tous nos enfants « différents » puissent suivre une scolarité la plus normale possible.
 
Aujourd’hui je me répète souvent « comment j’ai fait pour mener une vie de dingue comme cela ! Je serai incapable de le refaire…»
J’aurai préféré en effet que le papa soit présent, mais ça n’a vraiment pas été le cas. Depuis le drame le papa a vu les choses différemment et s’est consacré à son travail et sa passion pour le cyclisme.
On dit souvent que les drames séparent ou renforcent un couple, et biensûr j’aurai préféré avoir ses épaules pour m’accompagner dans tout ce combat mais en tant que maman je ne pouvais pas baisser les bras pour ma fille et ai essayé de tenir la route du mieux que j’ai pu.
J’ai ensuite été placardisée et ai fini par demander une rupture conventionnelle car il m’arrivait de gérer 6 à 7 rdv médicaux par semaine et ce n’était plus possible.
Une vie de fou !
 
Je me suis consacrée à ma fille et mis ma vie de côté pour son bien.
Depuis ce drame ma vie non plus n’a plus jamais été la même.
J’ai perdu du poids, je me suis oubliée en tant que femme et suis devenue une aidante en plus d’être maman, je me suis sentie très seule à porter tout sur mes épaules.
J’ai subit une conséquente perte de salaire et ne pourrai plus jamais reprendre une activité professionnelle en tant qu’assistante commerciale ou un temps plein tout simplement parce que Anaé âgée de 8 ans a encore 4 rdv médicaux par semaine.
Et j’en passe sur les préjudices …. Il y a tellement à dire depuis 8 ans et tout ce que cela a engendré 😓
Sans oublier certains frais médicaux que nous devons débourser de notre poche comme les séances de psychomotricité par exemple, les frais de transports et les frais de parking…
 
Vous aurez compris également que ce drame a fini avec le temps par nous séparer avec le papa.
 
J’ai fait tout cela par AMOUR pour ma princesse et je suis fière de tout le chemin qu’elle a parcouru depuis ❤️
Je lui ai tenu la main et lui tiendrai toujours pour la faire avancer encore et encore.
 
Mais aujourd’hui je suis en colère qu’on puisse minimiser toutes ces souffrances et préjudices… À quel moment ils se mettent à la place de nous les victimes ?
 
Mon avocate sollicite une audience pour qu’on plaide tout cela car on refuse bien évidement cette offre, mais est-ce normal de devoir encore se justifier en tant que victime ?! Et devoir re répéter encore tout ce combat que nous avons souvent envie de mettre de côté mais qui revient régulièrement malgré nous…
 
Enfin je souhaitais féliciter tous ces parents qui se battent au quotidien pour leurs enfants extraordinaires et leur souhaite beaucoup de courage !
 
C’est loin d’être simple mais c’est aussi notre force et je le répète souvent que ma fille m’a fait grandir et me fait voir les choses différemment ❤️
 
Le jugement a eu lieu en septembre 2019 et l’assistante maternelle a eu une peine de 12 mois avec sursis avec interdiction d’exercer en lien avec des mineurs pour 10 ans.
 
 
Lætitia, la Maman d’Anaé