Témoignage – Rose

27 Juin, 2020 | Témoignages

Jeudi 27 juin 2019, ce jour qui a abîmé notre vie, la vie de Rose, notre fille de deux ans, notre famille au complet.
 
Je m’appelle Émilie, j’ai 36 ans, je suis mariée et maman de deux enfants Lucas 10 ans et Rose 33 mois. Je suis directrice de crèche, je le précise car une des choses qui nous a beaucoup marqué dans ce que nous avons vécu est qu’une certaine « juridiction officielle » m’a fait comprendre qu’en tant que professionnelle de la petite enfance, j’aurais dû voir… Comme si la culpabilité n’était pas assez présente… Rose avait tout juste deux ans au moment des faits.
Ce matin du 27 juin 2019, comme tous les matins, je conduis Rose chez l’assistante maternelle après avoir déposé son frère à l’école. Rose est en pleine forme. En arrivant, elle pleure, crie et me dit « pas nounou ». Cela dure depuis plusieurs mois, je ne banalise pas mais mets cela sur le compte de la difficulté de séparation. Je tente de la calmer, de la rassurer, donne les infos à la nounou et termine par « tout va bien » avant de partir pour le travail.
Un petit quart d’heure plus tard, me voilà sur la route du travail. 10h28, deux appels en absence : mon mari et l’assistante maternelle. Mon cœur bat, je crois comprendre qu’il s’est passé quelque chose. J’appelle mon mari, il crie de panique, me dit que Rose a fait un malaise chez l’assistante maternelle et que le SAMU et les pompiers arrivent, je lui dis que je quitte le travail et que je le rejoins sur place. Mon corps tout entier tremble.
Sur place, une dizaine de personnes, pompiers, médecins, Rose est dans les bras de son papa, inquiet. Elle vomit. Je comprends que c’est un trauma crânien. Je prends Rose dans mes bras, le SAMU nous transfère au CHU de Lille. Là-bas, une horde de médecins et infirmiers nous isolent des urgences et prennent en charge Rose. Le scanner crânien révèle de suite un hématome sous-dural de 3mm. Elle a chuté ? Elle s’est cognée ? Tout le monde se pose une multitude de questions qui restent sans réponse car la version de l’assistante maternelle ne tient pas la route…
Nous sommes extrêmement inquiets, Rose ne parvient même pas à ouvrir les yeux, la prise de sang sur le dessus de la main ne la réveille même pas. Le pédiatre nous annonce que l’état de Rose est très préoccupant et que nous risquons de la perdre. Elle est hospitalisée en neurochirurgie pédiatrique. Son sourire, sa joie de vivre ont disparus de son visage, de ses yeux. Rose a le regard vide, elle qui est toujours si pétillante… si vivante… Les différentes annonces qui suivront ne feront que confirmer notre inquiétude, accroître notre tristesse et faire grandir notre colère par la suite. Mais dans l’immédiat, c’est le déni qui prend sa place. Les médecins nous disent que l’hôpital a pris la décision de faire un signalement auprès du Procureur et qu’il est probable qu’on nous enlève nos enfants. Fort heureusement, j’ai pu rester nuits et jours avec ma fille qui n’aurait pas supporter la séparation, et moi non plus d’ailleurs.
Les auditions à la gendarmerie commencent dès le lendemain matin. L’enquête va durer 5 jours. Une seule question nous taraude au fil des jours et ne nous quitte toujours pas : Comment une personne à qui nous avons fait confiance pendant 18 mois a pu faire du mal à notre enfant ? Ce n’est que le dimanche que le diagnostic du Syndrome du Bébé Secoué a été posé par le médecin légiste. Traumatisme crânien, hématome sous-dural, hémorragies rétiniennes, incohérence du récit de l’assistante maternelle, tout y est. La procédure judiciaire est toujours en cours mais les différents rapports de la médecine médico-légale sont formels.
Je porte plainte le mercredi 3 juillet, jour où nous avons l’autorisation par le procureur de la république de sortir de l’hôpital. La procédure est lancée, et tout devient concret. Je prends une avocate, elle est placée en garde à vue, l’UTPAS commence également ses RDV à domicile afin d’écrire leur rapport.
 
Les mois passent, Rose reprend des forces, reprend progressivement confiance, elle s’éveille tout de même. Dans ses moments de conscience, tout va bien, elle s’éveille et se développe magnifiquement bien, une guerrière ! Dans ses moments de sommeil, elle se débat, elle crie, elle ne dort quasiment pas. Quelques mois plus tard, nous sommes épuisés, épuisés des différentes prises en charge que j’ai tentées et qui ne fonctionnent pas, épuisés de ces nuits passées à la rassurer…
A deux ans, elle ne devrait pas vivre ça… cette phrase que je me répète en boucle dans ma tête…
 
Le 02 décembre, la justice la condamne coupable avec pour sanction deux ans d’emprisonnement dont un an ferme, interdiction d’exercer pendant 5 ans, obligation de soins. Le lendemain, elle fera appel et deux jours après nous ferons également appel. A ce jour, nous attendons la date d’audience.
Cela fait 1 an en ce 27 juin 2020, des images reviennent… Ces images qui nous hantent.
Je me dis souvent que je n’ai pas le droit de me plaindre pour ma fille, elle est en vie et tout le monde n’a pas cette chance.
 
 
Émilie, la Maman de Rose