C’était le 5 Juillet 2014, il était 17h45… Maman rentre du travail, et comme d’habitude, tellement hâte de te retrouver mon amour !
On est samedi, la crèche est fermée c’est donc ton père qui te garde pour la première fois seul. Dès que je te vois, je tremble, j’ai peur, tu as les yeux fermés et boursouflés, les lèvres gonflées et grisâtres, je tente de te réveiller mais tu gémis. Tu as des selles noires, pas de fièvre mais je le sais tu vas mal.
Nous fonçons à l’hôpital, je grille même les feux rouges rien ne peux m’arrêter tellement j’ai peur.
Un scanner est effectué le lendemain matin à ma demande, tu as convulsé la nuit passée, c’était léger mais moi je te connais et ces tremblements sont bien évidemment anormaux. Les infirmières, elles, te redonnent du paracétamol. Quand tu sors du scanner je suis affolée. Les professionnels de santé qui t’entourent à ce moment-là ressentent ma détresse la plus totale. Ils ne peuvent rien me dire car ils ne sont pas médecins. Je les supplie de me dire ce qu’ils ont vu et une dame me dit « il y a un petit peu de sang » d’une voix très douce. Elle ne veut pas m’affoler mais je ressens son empathie pour moi, et je sais qu’elle minimise pour ne pas m’inquiéter.
Le professeur me convoque 30 minutes plus tard avec le père de mon bébé.
Ilyès doit être opéré immédiatement, c’est une question de minutes, il souffre d’un hématome sous-dural bi-latéral, d’une hémorragie cérébrale, et d’une hémorragie intra-rétinienne.
Je ne peux plus bouger, je m’effondre au moment où ils emmènent mon petit ange pour le bloc opératoire, c’est insupportable.
Comment tout cela est-il possible ? Que s’est-il passé ?
Ilyès remonte 2h plus tard en état d’hypothermie, il va mal, il convulse… plus les heures passent plus c’est grave… j’ai mal… aidez-moi !
S’en suivent cinq jours de pronostic vital engagé, les médecins sont pessimistes quant au réveil d’Ilyes. Ils décident d’arrêter l’assistance respiratoire. Pour eux c’est terminé. Je suis en train de mourir de tristesse.
Et là, un miracle… Ilyès respire seul, il ne m’a pas laissée, il s’accroche à la vie, il veut rester à mes côtés… bats toi mon petit ange, je te promets à partir de cet instant de ne plus verser une larme. Je vais te transmettre toute ma force pour continuer ton combat. Tellement d’émotions se bousculent, je suis fière, admirative, époustouflée, où as-tu trouvé cette force du haut de tes 4 petits mois ? Tu étais mort pour eux mais tu n’avais sûrement pas dis ton dernier mot…
Tu es là je sens que tu te bats… à ce moment-là, la brigade des mineurs entre dans ta chambre et là, le cauchemar continue. On me sépare de toi, je vis cela comme un arrachement, je suis affaiblie et épuisée, on me place en garde à vue pour 34h.
Le pire moment que j’ai vécu… enfin tout est le pire finalement… médecins, infirmières, brigade de police m’ont traitée comme une moins que rien.
C’est pourtant bel et bien ton père qui t’a infligé cela, pendant que je travaillais, il l’a dit de lui même le jour où tu as été opéré.
Ils ont le coupable, il a expliqué les faits mais dans le doute les deux sont placés en garde à vue. Je suis relâchée 34h plus tard et le père placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de s’approcher de mon fils, du domicile et de l’hôpital.
Je te retrouve en réanimation, je cours, j’aperçois mamie au loin avec tata Yam, elle ne t’a pas lâché durant mon absence, c’est la seule chose qui me hantait en garde à vue, te savoir seul dans cette chambre de réanimation, mais tata était là, tonton, papi et mamie aussi…
Nous sommes formidablement bien entourés mon ange.
Les médecins me disent que ton état est stable mais que si tu te réveilles tu seras «un légume ». Peu importe, réveille-toi mon cœur, je te l’ai dis, même si je dois te porter toute ma vie, ce n’est pas grave, réveille-toi juste, reste avec moi je t’en supplie.
Tu ouvriras tes petits yeux 10 jours plus tard… Dieu merci…
Ton regard est vide, mais tu es vivant et tu continues de te battre…
Nous sommes restés 35 jours à l’hôpital tous les deux, un signalement pour maltraitance a été fait par l’hôpital puis une demande de placement en pouponnière. Je suis passée devant le juge des enfants le 34eme jour, 1 jour avant sa sortie.
Ilyès a été confié à mes parents, ils ont été nommés tiers dignes de confiance, je maintenais tous mes droits bien évidemment. J’ai échappé au pire et de justesse. Je suis partie m’installer chez mes parents avec Ilyès pendant un an.
Aujourd’hui mon trésor a 6ans et demi. Nous vivons tous les deux.
Nous avons fait taire les plus sombres pronostics.
Je me suis arrêtée définitivement de travailler pour me consacrer entièrement à mon bébé. Un parcours hors normes semé d’embûches, mais pleins de belles victoires remportées !
Aujourd’hui je suis une autre, cette épreuve où j’ai été mise à mal, aussi éprouvante qu’elle a été m’a fait devenir celle que je suis aujourd’hui.
L’amour d’une mère est inqualifiable mais l’amour d’une mère combat ciel et terre pour son enfant handicapé. C’est ça, le véritable amour ! Je l’ai découvert grâce à notre tragique histoire et j’en suis fière.
Nous attendons toujours le jugement 6 ans après qui aura lieu aux assises de Nancy l’année prochaine, nous l’espérons. Le père est accusé de violence volontaire sur mineur de moins de 15 ans par ascendant ayant entraîné une infirmité permanente.
A ce jour, Ilyès est reconnu handicapé avec une incapacité de 80% et plus.
Il est déficient visuel important, et souffre de spectres du trouble autistique très importants.
Il marche et dit quelques mots.
Je suis admirative, je peux pleurer à chaque instant où mes yeux se posent sur lui.
Plus rien ne peut nous atteindre…
Malgré cette terrible épreuve, je suis heureuse aujourd’hui, Ilyès m’épate de jour en jour, depuis hier, il accepte un bonnet sur la tête. Ces petites choses, qui pour certains ne sont que des banalités sont pour moi de petites victoires et je les j’apprécie comme personne.
A mon amour