Prévention du SBS : l’exemple québécois

7 Fév, 2021 | Prévention

Le CHU Sainte-Justine à Montréal est le plus grand centre mère-enfant au Canada et l’un des quatre plus importants centres pédiatriques en Amérique.
Dès 2002, les experts du CHU Sainte-Justine ont travaillé au développement d’un programme novateur et global de prévention du SBS, le PPPSBS (Programme Périnatal de Prévention du SBS).
 
Les pleurs persistants du nourrisson sont identifiés comme le principal élément déclencheur du SBS (même si beaucoup d’autres facteurs entrent en jeu). Le manque de connaissances des parents par rapport aux pleurs du nourrisson devient l’un des principaux facteurs liés au Syndrome du Bébé Secoué, auquel s’ajoute la difficulté que représente la gestion de la colère face aux pleurs persistants, conjugués à la méconnaissance des dangers de secouer un bébé.
 
L’objectif du PPPSBS est de protéger les jeunes enfants de même qu’à soutenir les adultes qui en sont responsables et les professionnels qui interviennent auprès de ceux-ci.
Ce programme de prévention conscientise les familles à la réalité des pleurs persistants du nourrisson afin d’identifier et de prévenir des situations de perte de contrôle envers leur enfant.
 
Le PPPSBS se divise principalement en 2 phases successives et complémentaires.
La phase 1 s’adresse à tous les parents au moment de la naissance en milieu hospitalier ou en centre de naissance.
La phase 2 s’adresse aux parents en post-natal, dans les premiers mois de vie.
Une phase 3, en cours de développement, se poursuit selon les besoins ou les vulnérabilités spécifiques de l’enfant ou de la famille.
 
Le Ministère de la Santé et des Services Sociaux, le plus important ministère québécois en terme budgétaire, soutient la phase 1 du PPPSBS (l’implantation du PPPSBS dans les maternités et centres de naissance) en mettant à leur disposition le matériel et le formateur expert qui les accompagnera dans l’implantation du PPPSBS.
Ceci explique sans doute pourquoi les données recueillies jusqu’à maintenant démontrent un très haut taux d’adhésion à la phase 1 du programme dans les maisons de naissance, les maternités et les unités néonatales., les phases 2 et 3 étant plus limitées dans leur implantation principalement par manque de fonds.
 
 
 
Phase 1 : milieu hospitalier
 
Les infirmières des unités de naissance bénéficient toutes d’une formation de 3 heures sur le PPPSBS.
 
Les objectifs visés par cette phase 1 sont d’améliorer les connaissances des parents et de favoriser le recours à des stratégies d’adaptation quant aux pleurs du nourrisson et face à la gestion de la colère, et d’améliorer leurs connaissances sur les dangers de secouer un bébé.
 
Lors de son intervention auprès des parents (pères et mères), l’infirmière leur présente 3 fiches : l’une portant sur les pleurs, l’autre sur la colère et la dernière sur le SBS.
L’information est organisée de la même façon sur les 3 fiches : ce qu’il faut savoir, que faire, et rappelez-vous.
L’infirmière invite ensuite les parents à formuler par écrit les stratégies qu’ils envisagent de mettre en place s’ils sont confrontés aux pleurs incessants de leur bébé, qu’il s’agisse des actions qu’ils mettront en place ou des personnes qu’ils contacteront.
 
Voici les 3 fiches créées par le CHU Sainte-Justine, expliquées et remises systématiquement aux parents (une version française existe) par une infirmière formée, lors de l’entretien dédié au SBS :
 
Les infirmières soulignent qu’il n’est pas toujours évident d’avoir les 2 parents en même temps, mais qu’elles y arrivent dans plus de 75% des cas.
 
Les résultats d’études menées après implantation du PPPSBS sont très révélateurs :
96% des parents trouvent utile et intéressante l’information contenue dans les fiches.
94% des parents mentionnent que la simple remise des fiches aux parents sans l’intervention de l’infirmière ne pourrait pas suffire.
97% des parents trouvent utile d’écrire un plan d’action tel que suggéré.
98% des infirmières déclarent que les parents accueillent bien leur intervention.
 
 
 
Phase 2 : CSSS et CLSC (postnatal)
 
Les CSSS (Centres de Santé et de Services Sociaux) et les CLSC (Centres Locaux de Services Communautaires) sont des organismes publics.
Les CSSS sont, entre autre, en charge du suivi postnatal systématique existant au Québec.
Des formations de 3 heures ont été développées pour les infirmières en périnatalité et petite enfance, ainsi que pour les membres de l’équipe psychosociale.
 
La phase 2 en post natal poursuit et renforce la phase 1 du milieu hospitalier, mais le concept de la colère y est exploité plus spécifiquement.
L’émotion de la colère a en effet été identifiée à partir des déclarations de parents confrontés aux pleurs persistants de leur bébé et confirmée aussi par les déclarations d’auteurs de secouements.
Enfin, plusieurs études ont démontré la corrélation entre l’émotion de la colère et la maltraitance infantile.
Ainsi, la colère est introduite comme une émotion normale, mais il est indispensable d’apprendre à l’identifier et à en maîtriser l’expression avant que celle-ci ne dégénère en violence envers l’enfant.
Le « thermomètre de la colère » créé par le CHU Sainte-Justine est le résultat concret de ces réflexions théoriques et expériences cliniques.
 
Lors de la phase 2, les interventions éducatives visent d’abord à faire un rappel du PPPSBS lors de la 1ère visite post-natale réalisée par les infirmières en 0 et 10 jours de vie du bébé auprès de toutes les familles.
Les familles suivies par les SIPPE reçoivent une intervention supplémentaire basée sur le thermomètre de la colère. Les SIPPE (Services Intégrés en Périnatalité et Petite Enfance) s’adressent aux familles dont la maman vit sous le seuil de faible revenu.
 
L’expérimentation du PPPSBS en phase 2 est très positive : les interventions sont bien reçues par les familles et le principe d’universalité prévaut pour tous les parents et ce, au-delà de leur apparence. En revanche, on constate que les pères sont touchés dans cette phase 2 en postnatal dans une moindre mesure qu’en phase 1 en milieu hospitalier.
 
 
Sources et visuels : CHU Sainte-Justine, Montréal