Peines encourues, peines prononcées

2 Avr, 2021 | Prévention, Témoignages

S’il n’existe pas d’incrimination pénale spécifique concernant le SBS, l’acte volontaire de secouement d’un nourrisson est pour autant qualifiable de crime ou de délit, selon la gravité des effets dommageables sur la victime.
Lorsque le secouement entraîne la mort du bébé, l’auteur, s’il est ascendant et/ou s’il a autorité sur le mineur, encourt jusqu’à 30 ans de réclusion criminelle (Art. 222-7 et 222-8 du Code pénal). Dans l’hypothèse d’une mutilation ou d’une infirmité permanente de la jeune victime, ce dernier encourt une peine d’amende de 150 000€ et une peine de 20 ans de réclusion criminelle (Art. 222-9 et 222-10 du Code pénal).
Dans le cas enfin de violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à 8 jours, la peine encourue est de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000€ d’amende (Art. 222-11 et 222-12 du Code pénal).
Des peines complémentaires peuvent être prononcées telles que l’interdiction soit à titre définitif, soit pour une durée de 10 ans au plus d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs (Art.222-45 du Code pénal).
Voilà donc en théorie ce qu’encoure le parent ou la nourrice, auteur d’un secouement à l’origine de conséquences dramatiques pour le nourrisson.
 
Qu’en est-il en pratique ?
 
Quelles peines sont prononcées par les juridictions pénales à l’encontre de l’auteur d’un secouement ayant définitivement porté atteinte à la vie d’un nourrisson et celle de ses proches ?
Le constat est amer.
Les peines retenues dans ce type de dossier sont bien souvent inférieures à celles prononcées dans des affaires à qualification juridique identique pour une victime enfant plus âgée ou adulte.
Concernant les affaires criminelles, qui relèvent donc de la Cour d’assises, les peines sanctionnant le geste à l’origine du SBS sont généralement comprises entre 5 et 10 et sont parfois assorties en partie d’un sursis. Très rarement au-delà. Un quantum qui apparaît en tout état de cause bien insuffisant au regard de la tragédie qu’est la perte d’un bébé, ou celle de voir son enfant privé de toute possibilité de vivre une vie normale. D’autant plus que la détention provisoire déjà effectuée par l’auteur s’impute sur la peine à exécuter et que ce dernier peut demander le bénéfice d’un crédit de remise de peine qui lui permettra de ne pas exécuter l’intégralité de sa peine.
 
Alors pourquoi une telle mansuétude des juges et jurés ?
 
Plusieurs éléments peuvent expliquer cette différence de traitement, de jugement.
Rappelons que les fonctions de la peine, selon le Code pénal, sont de sanctionner l’auteur d’une infraction, de favoriser son amendement et sa réinsertion. La peine est individualisée en fonction des circonstances, de la personnalité, de la situation familiale et sociale de l’auteur du secouement. Le délai de traitement particulièrement long de ces affaires en raison notamment de l’ouverture d’une instruction est souvent un argument invoqué par la défense afin de solliciter la clémence de la juridiction de jugement.
Or, il existe dans le jury populaire une tendance à excuser l’attitude de l’auteur du secouement, voire même à ressentir une forme empathie.
L’agresseur de l’enfant est finalement considéré comme un adulte en détresse qui aurait agi sur un « coup de sang » à cause des pleurs soutenus de l’enfant,
Cette compassion pour l’accusé, qui révèle une nécessaire identification des jurés à l’auteur, n’est pas tolérable.
En effet, il est totalement erroné de penser que tout adulte, épuisé ou à bout du fait des sollicitations d’un nouveau-né, pourrait être amené un jour à le secouer.
Cette vision des choses traduit une méconnaissance flagrante du geste à l’origine du SBS. L’acte de secouement est en effet défini par l’American Academy or Pediatrics (1) comme une ou plusieurs secousses assez violentes pour être reconnues dangereuses par un observateur extérieur et susceptibles de tuer. L’adulte qui secoue un nourrisson ne peut donc ignorer qu’il lui fait du mal. Les enfants secoués ont majoritairement moins de 6 mois, ce qui s’explique par le rapport de force hautement inégal entre un bébé de cet âge totalement vulnérable et l’adulte dont il est à la merci.
Fort heureusement, tout adulte en situation de grande fatigue ou d’énervement ne va pas être amené à secouer le bébé qu’il a sous sa garde, le passage à l’acte ne concernant que quelques-uns. Quelques-uns de trop. Ceux-là mêmes dont on pense qu’ils seraient par ailleurs inoffensifs et pour lesquels il est ainsi prononcé une peine supposée adaptée.
Or, les études (2) menées révèlent que le risque de récidive des auteurs d’acte(s) de secouement est réel. C’est pour cette raison qu’il peut être choquant de voir une juridiction de jugement limiter dans le temps l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Enfin, une autre difficulté qui peut conduire à minorer la peine prononcée, dans le cas où la victime survit, est l’absence de consolidation des blessures au jour où la juridiction statue.
Les lésions spécifiques provoquées par le secouement sont susceptibles d’entraîner des conséquences neurologiques graves de nature à rendre l’enfant infirme. Cependant, l’état de la victime n’étant considéré comme stabilisé qu’après sa majorité en raison du développement de l’enfant, la notion d’infirmité permanente peut parfois être difficile à établir.
Le siège des lésions, le cerveau, et la nature du handicap qui est dit « invisible » peut également entrainer des difficultés à faire reconnaitre l’existence d’une infirmité permanente.
 
 
CONCLUSION :
 
A travers les peines prononcées, l’atteinte à la vie d’un nourrisson, à l’inverse de celle d’un enfant ou d’un adulte, semble apparaître comme une circonstance minorante et non aggravante. Ce devrait être l’inverse puisque la société devrait au contraire assurer la protection de ses citoyens les plus vulnérables qui représentent au surplus l’avenir de notre société.
La jurisprudence tout comme les connaissances dans ce domaine, évolue certes, mais timidement.
 
 
Sylvie VERNASSIERE & Géraldine HUDSON
Cabinet d’Avocats VERNASSIERE & HUDSON
Mâitre VERNASSIERE est spécialisée en droit du Dommage Corporel. Elle est notamment titulaire du DIU traumatisme crânien de l’enfant et de l’adolescent ; du DIU traumatisme crânien – experts médicaux et sociaux ; d’un DESS droit de la santé.
 
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(1) . « American Association of Pediatrics : Shaken baby syndrome infligée cérébral trauma » Pediatrics 1993
(2) . Adamsbaum « Abusive head trauma : juridictionnel admissions highlight violent and répétitive shaking » Pediatrics 2010