Vie en confinement #2

28 Avr, 2020 | Témoignages

Si je témoigne aujourd’hui c’est pour essayer de redonner du courage à ceux qui se disent parfois : « je n’y arriverai pas ».
 
Aujourd’hui nous sommes quatre à la maison. Sans compter tous les poilus qui traînent.
Ma femme, secrétaire médicale à l’hôpital.
Moi-même, intérimaire sans mission, sans droit au chômage, et surtout asthmatique sévère.
Et nos deux princesses : Sophie 20,5mois, qui refuse de plus en plus les couches ; Lucy 3,5 mois, qui a besoin de beaucoup de calme pour dormir, souvent des bras et qui a un RGO et les dents qui poussent.
 
Ma femme se renseigne toujours beaucoup, et on a pris la décision ensemble, avant la naissance de Sophie, de tendre vers une éducation bienveillante et consciente. Je dis bien tendre car on essaie de faire de notre mieux en étant humain.
 
J’ai toujours eu en moi une certaine « énergie », je dirais même une certaine agressivité (oui le mot est fort).
De plus on me décrit souvent comme perfectionniste, à toujours vouloir que tout soit carré, rangé, propre et organisé.
 
Quand Sophie est arrivée, ça s’est plutôt bien passé, on était heureux. De plus ma femme a été à la maison jusqu’aux 5 mois. Moi, travaillant en 2*8, on avait le temps de se voir, de s’occuper de la maison, de notre princesse. Et même du temps pour nous !
C’est après que ça s’est compliqué …
 
Ma femme ayant plus d’une heure de route aller/retour pour travailler, son temps de « présence » s’en est retrouvé très réduit. Plus de temps pour nous. Ni pour le ménage.
 
De mon côté, je gardais notre fille jusqu’à 11h quand je travaillais de 13h à 21h. Et je la récupérais dès 13h30 à la sortie du travail l’autre semaine.
La fatigue s’accumulait. Et autant je n’ai eu aucun mal à laisser de l’autonomie à notre fille, autant je n’ai pas su faire la part des choses et prioriser mon temps.
Je voulais tout faire. Et j’en voulais à ma femme d’être si peu présente chez nous. Et surtout si peu présente pour moi. C’est ridicule je l’admets …
 
Et puis un jour j’ai craqué, je devenais de plus en plus dur avec ma fille. Lui hurlant dessus dès qu’elle ne dormait pas où qu’elle pleurait.
Jusqu’au jour où j’ai été violent avec elle. Physiquement. Ça m’a fait un choc. Et j’ai décidé d’aller voir une psychologue pour essayer de trouver des solutions.
 
Je me suis quelque peu calmé, mais cette violence que je sentais bouillir en moi ne m’a jamais quittée.
Et elle est franchement remontée à la surface pendant la deuxième grossesse. Plus difficile que la première : ma femme était, à mes yeux en tous cas, moins présente pour les tâches ménagères, pour moi, etc. Nous sommes passés plus d’une fois à un cheveu d’une séparation.
 
Puis Lucy est née, tout se passait à merveille avec la grande sœur, et malgré quelques couacs, on retrouvait peu à peu, ce qu’on pourrait appeler une belle vie.
 
Et là PAAAF ! Confinement …
 
Le stress de ma maladie, les problèmes financiers (j’ai démissionné en janvier, la poisse), et ma femme qui devait retourner travailler à la fin de son congé maternité (1 semaine après le début du confinement) … et à l’hôpital en plus …
 
Résultat : Je me retrouve seul avec deux enfants, deux « bébés ». Je me suis répété des jours et des jours que je n’y arriverai jamais. J’avais peur de mes vieux démons. Et à raison … J’ai recommencé à hausser le ton, à hurler parfois pour un rien. À vouloir tout gérer seul et à en vouloir à ma femme de travailler alors que moi non.
Elle me proposait de demander à la nounou de les reprendre quelques heures par jour. Mais impossible financièrement.
Je culpabilisants, j’avais peur, et ma femme encore plus que moi, qu’il arrive quelque chose aux filles.
 
Puis le Président a annoncé une prolongation d’un mois. 1 MOIS ! L’enfer sur Terre ! J’en ai fait des cauchemars cette nuit-là. Et au matin en me levant j’ai appliqué une idée. Toute bête. Et qui a changé ma vie.
Alors vous allez me dire « ça ne fait que quelques jours. Changer ta vie, c’est un peu prétentieux ». Mais je suis sûr de moi. Encore hier j’ai dit à ma femme : « Je suis calme, c’est la première fois que je ne crie pas et c’est impressionnant elles sont toutes calmes et je prends plaisir à être papa ».
 
Mon astuce : j’ai écrit sur des feuilles de papier des sortes de mantra. Ainsi :
Sur la porte des chambres : « Souffle et entre avec le sourire »
Face au canapé pour le biberon : « Courage, tu vas y arriver »
À côté du tableau à ménage : « La famille c’est plus important » et d’autres encore.
 
Si aujourd’hui je vous écris c’est pour redonner de l’espoir à tous ceux qui sont en difficulté.
Je ne veux pas me faire « mousser » ou me faire plaindre. Juste dire : « Courage, We can do it ! » On peut y arriver. On va y arriver !
 
J’ai transformé ce que je pensais être un enfer en un moment de partage, de plaisir et de bonheur. Et si tout n’est pas parfait, tant pis, je suis humain. Comme tous.
Et même si vous ne me lirez jamais, merci mes filles d’être les princesses d’un Royaume que vous embellissez chaque jour.
 
Je vous aime.
 

 
Suite à ce second témoignage de la série « vie en confinement », retrouvez les conseils de notre association pour ce papa.